5 redoublements… et de brillantes études

(Suite du témoignage de Bruno, 58 ans)

Bruno surdoue temoignage-5

À partir de la 3ème, s’est ouverte la période du fracas scolaire, de la perdition. Ma zébritude est devenue incompatible avec ma vie scolaire et ça me faisait souffrir. J’essayais de jouer le jeu mais je me retrouvais souvent à faire “chier le monde”. J’ai encore redoublé. Je me sentais différent, et je n’arrivais pas à accrocher avec tout ce qui concerne l’apparence, l’ordre imposé. Une enseignante qui se croyait bienveillante m’a gentiment parlé des filières professionnelles… On pouvait me prendre pour un idiot car je ne m’impliquais pas. Parfois au bout de 10 minutes mon attention décrochait, même si je pouvais m’impliquer, me révéler et briller dans certaines matières.

J’ai alors été mis en pension vers St Étienne, car je ne faisais rien. Je m’y suis régalé : la découverte de la mixité, du cheval, de la poésie et le temps de l’adolescence débridée ! De retour à Marseille, l’année suivante tout allait mieux et « boum ! » mon père décède prématurément à 49 ans, j’en avais 17. J’ai redoublé ma première, les temps étaient difficiles. Quelques scandales et conseils de discipline plus loin, mes camarades des premières se sont mobilisés pour me défendre, il y a eu une grève pour éviter que je sois renvoyé. Ils ont gagné… et moi, j’ai été collé tous les mercredis, samedis et dimanches matin pendant 6 mois. Mais cet élan spontané a positivement marqué ma vie.

J’ai passé ma terminale une nouvelle fois en pension, en Haute Savoie. Là ce fut le ski, la musique, le paradis… J’y ai néanmoins loupé mon bac : nouveau redoublement. Ma mère était désespérée, elle ne savait plus comment faire avec moi. Je voulais être médecin, comme mon père. J’avais envie de m’occuper des autres, d’apporter du soin, comme le modèle de vie de mon père décédé. Au regard de ma scolarité désespérante, ma mère m’a convaincu que ça ne valait pas la peine de tenter médecine. Je me demandais ce que je pouvais faire. Comme j’étais musicien, ma mère m’a répondu : “Tu es un peu artiste, tu peux faire architecture”. Architecte, pourquoi pas ! Et à la volée : “Non pas architecte, il vaudrait mieux que tu fasses une formation de collaborateur d’architecte”.

Ça me semble typique, maintenant : les zèbres peuvent paraître tellement idiot, même vis à vis de leurs proches, qu’en désespoir on les oriente dans la direction où ils sont sûrs de pas trop se planter… C’est lié au décalage, à l’inhibition. Quand on est zèbre et qu’on le le sait pas, on est tellement inadapté qu’on ne peut pas trouver sa place. Certains d’entre nous s’en sortent, mais pour moi on plaçait la barre toujours plus bas. Après avoir eu mon bac en 77, j’ai quand même suivi des études d’architecture. J’y ai encore redoublé ma 3ème année, pour la 5ème fois de mon parcours – et en plus en archi ce n’est pas banal !

Les années suivantes se sont révélées riches, avec la naissance de mon premier enfant, d’un seul coup je me suis mis à travailler et à tout réussir brillamment. J’avais trouvé une motivation et je pensais avoir tordu le cou à mes difficultés d’enfant adopté sous X.

2 réponses à “5 redoublements… et de brillantes études

  1. bonjour Bruno je suis très touchée à la lecture de vos confidences
    je ne sais rien de la surdouance… je ressens quelque chose d’une intériorité forte et d’une vérité sensible ouverte au monde…
    chaleureusement à vous, Nadine Abad, Paris

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  2. Bonjour,
    J’ai 63 ans et je viens d’apprendre par hasard que je suis hp, cela m’a permis de savoir pourquoi j’ai toujours pensé que quelque chose n’allait pas chez moi.
    Vous pouvez vous douter de la tempête cérébrale qui à suivi cette nouvelle.
    Au plaisir de vous lire
    Armand
    Cordialement

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