Le luxe d’être surdoué

Témoignage surdoué

(Suite et fin du témoignage de Philippe, 42 ans – Extrait 10/10)

Que pourrais-tu conseiller aux autres ?

Trouvez l’environnement le plus sain possible, ou construisez-le. Notamment celui de la reconnaissance des amis et des professionnels, ceux qui vous aident à cheminer dans la sérénité. Il n’y a pas de règles pour y arriver. Visez en tout cas ce qui ménage et épanouit votre sensibilité.

C’est facile à dire, mais : déculpabilisez. Si on est hypersensible, on a pas à le retourner contre soi. On peut être sensible de façon très belle, ce n’est finalement pas un drame. Il est possible de trouver des manières de gérer ses pics d’émotions, comme s’isoler un instant, ou même dire honnêtement qu’on a besoin d’un moment. Beaucoup de personnes l’acceptent. On peut ainsi pleurer comme on rit, et vivre, tout simplement, sans idéalisme déplacé.

Autre chose : on a pas toujours besoin de « passer par l’autre » pour aller bien. Il faut aussi prendre soin de soi tout seul, se gérer avec douceur. Ainsi on a moins d’attente sur les retours des autres, et c’est aussi une bonne façon de s’accepter tel qu’on est.

Concernant le test… je ne sais pas s’il faut le conseiller, car c’est une démarche vraiment très personnelle. Je crois qu’il faut le faire quand on se sent prêt à toute forme de réponse, positive ou non. Personnellement, à l’époque, j’avais plus besoin d’une réponse, quelle qu’elle soit, que d’être obligatoirement cautionné HP. Le fait de passer le test me fixait d’une manière ou d’une autre. Je fais confiance au résultat d’un test créé pour ça. Et j’ai appris avec le temps que mon ressenti n’est pas une vérité indiscutable envers et contre tout / tous. En tout cas il me semble important de lire, de se renseigner, et d’aller vers la découverte et la connaissance de soi, test ou pas, à l’arrivée.

Si tu pouvais prendre la pilule pour arrêter d’être zèbre ?

Non, je ne la prendrai pas. Parce que finalement, cette sensibilité-là, qui peut être très douloureuse par moment est aussi pour moi un moteur pour progresser et ne pas rester sur mes acquis. C’est un luxe, définitivement.

Concernant le fait d’aller mieux, je ne crois pas que « s’en sortir » est une question d’âge, ou de capacité. Tout monde le pourrait. Certains ne le veulent pas, inconsciemment ils sont suffisamment satisfaits de leurs acquis. Ou terrifiés à l’idée d’en sortir. Et d’autres ne le peuvent pas, il faut aussi l’accepter. Bien sûr c’est compliqué, chacun a son histoire, son environnement familial qui est une vraie grille de lecture à l’environnement qu’on se créé. Mais si on a trop des principes, qu’on reste figé « parce que c’est comme ça », on rate une compréhension du monde et des gens. Au contraire, prendre conscience et choisir de se faire du bien est indispensable pour évoluer. Cela permet une ascendance. Stagner rend imbécile !

Témoignage surdoué

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Ce témoignage est publié plus de 3 ans après sa réalisation, comme expliqué dans cet article. Philippe a donc pu compléter son interview par une mise à jour de son parcours.

3 ans après…

J’ai eu très peur en ouvrant le fichier de retranscription envoyé par Antoine, pour la relecture… qui finalement, s’est bien passée ! Depuis, comme écrit plus haut, j’ai pu reprendre des études en équivalence, en parallèle de mon poste d’enseignant. Une année de haute de voltige, qui a validé non-seulement mon choix de reprendre des études complémentaires à mon parcours passé, en considérant les capacités d’adaptation de mon « cerveau droit », mais aussi mes capacités à le mener à terme tout en travaillant à-côté. J’ai validé mon M2 de Médiation musicale en septembre 2017, et j’ai produit des premières médiations devant public depuis, toujours en parallèle à l’enseignement. Il me manque aujourd’hui un vrai projet artistique à mener, mais ce sera une prochaine étape… Sur le plan perso, j’ai entamé un travail en EMDR intégratif, suite à des soucis familiaux m’impactant… plus que de raison, forcément. Je ne peux qu’en valider les effets un an après, puisque la charge émotionnelle qui me dépassait dans certaines situations a suffisamment disparu pour que je me foute la paix !

Le cheminement continue…

2 réponses à “Le luxe d’être surdoué

  1. Merci pour ce beau et touchant témoignage. Que la vie d’un zèbre semble laborieuse ! La mienne l’est aussi. L’équilibre paraît fragile et nos efforts vains. A la recherche du bonheur, du mieux-être. Et chaque nouvelle bonne situation finit toujours par devenir obsolète laissant la place à d’autres dans un cycle infini de naissance, croissance, vie, vieillesse et mort. Et ainsi de suite, à l’image des cycles de la vie. La créativité répond aux mêmes cycles. Alors que les gens dits normaux passent par moins de cycles, ont une vie plus linéaire et généralement croissante. La vie des surdoué.es est un éternel recommencement.

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  2. Je crois qu’un des réels problèmes, c’est que les médias (télé, journaux, internet, surtout internet) ne cessent de rabâcher qu’être « zèbre » est synonyme de malheur.
    Je n’ai pas le courage de vous faire un résumé de ma vie, mais disons qu’enfant je trouvais que tous les autres enfants étaient stupides.
    Mes parents me disaient souvent que j’étais très intelligents mais comme je ne faisais jamais aucun effort pour raisonner comme un adulte, pour apprendre vite etc… et ayant constaté que tous les parents disaient que leurs enfants étaient « géniaux », j’en avais conclu qu’ils se trompaient mais que ce n’était pas de leur faute.

    J’ai commencé à me dire que c’était peut-être vrai vers mes 24 ans, après avoir « changé de vie » une fois de plus dans mon existence.
    Ce qui m’a donné la puce à l’oreille, c’est que plusieurs groupes de personnes qui ne s’étaient pas concertés disaient de temps à autres qu’ils me trouvaient « très intelligent » etc… ou étaient épatés par ma « rapidité ». Or, il me semble que quand on dit à quelqu’un qu’il est intelligent (sans qu’il ne se soit plaint de lui même auparavant) c’est souvent vrai.

    Moi tout ce temps, je trouvais les autres idiots, ce qui n’est pas la même chose que de croire qu’on est plus intelligent que tout le monde.

    Bref, un an plus tard je constate que c’est vrai, je suis un « zèbre ». Cependant, je ne m’identifie que rarement aux témoignages des autres « HP » que je trouve souvent trop fatalistes ou défaitistes.
    Amis « zèbres » (que je hais ce mot ou toute autre définition similaire) j’ai une bonne nouvelle : OUI bien sûr qu’on peut être heureux et épanoui dans cette situation. Beaucoup de gens se tueraient pour pouvoir être comme nous. Au lieu de considérer nos capacités comme une malédiction on devrait les considérer comme une force, une bénédiction, un cadeau du ciel, une chance insolente. Je trouve souvent les gens bien ingrat vis à vis de leur don.
    Moi depuis que je le sais, je m’assume encore plus (presque) complètement. Surtout, je ne cherche plus à me cacher, je suis juste moi même. Sans me justifier, ni m’excuser en disant « comprends moi, je suis comme ça parce que blablabla ».
    Personnellement, je ne l’ai JAMAIS dit à personne, mais mes amis l’ont deviné d’eux même, et paradoxalement avant moi (pas si bêtes que ça finalement).
    Existez c’est tout. Ne vous justifiez pas, ne vous excusez pas. Embrassez la dite douance.

    PS : Embrasser la dite douance ne veux pas dire avoir un comportement odieux et stupide pour se justifier en disant : « c’est parce que je suis surdoué, tu peux pas comprendre » ce serait trop simple et réductif 😉

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