(Suite du témoignage d’Adèle, 40 ans)
Quand je ne vais pas bien, je ne fais rien, je regarde le temps passer. Je m’éteins, je deviens inactive. Je n’ai pas l’envie ou la force de faire les choses. C’est un épisode dépressif. Je n’y arrive tout simplement pas. Ça peut durer plusieurs jours, parfois quelques semaines. La première année ça a duré plusieurs mois. Je ressens de la fatigue et je déprime. Je me dis que je suis idiote d’avoir cru que ça irait mieux. J’ai essayé les antidépresseurs une fois, avec de très bons résultats. Mais je ne sais pas si j’aime prendre des médocs…
J’ai un problème avec la nourriture aussi par moments. Quand ça en va pas je mange trop, et seulement des gâteaux, du pain du beurre, du fromage, du chocolat…. Ou que des pâtes et du riz, mais dix fois trop. Une diététicienne m’a dit que c’était de l’hyperphagie. Je me demande si ce n’est pas une forme de boulimie, mais « à la surdoué », c’est à dire avec plus de ressources que la plupart des gens, donc sans trop toucher la limite. J’arrête très vite toute seule, comme si j’avais un autorégulateur interne, avant de prendre des kilos ou d’être trop mal. A un moment, ça se débloque, j’en ai assez et je recommence à manger normalement.
Mais ces périodes sont très gênantes, car ça me vide mon énergie. Mon corps est hypersensible à ce que je mange. En cas de « crise » je vais acheter pleins d’aliments chez l’épicier, je mange tout et ensuite je suis très mal pour un moment. Lorsque je joue du piano par exemple, et qu’au bout de 30 essais je n’y arrive toujours pas, ça m’énerve vraiment, alors je vais être tentée de manger. Ou quand je vis une grosse contrariété administrative, alors que justement je me mets en action pour régulariser après des mois de procrastination : direction frigo. Finalement, le risque à avoir suffisamment d’énergie et d’être en forme, c’est … d’être heureuse. L’hyperphagie, c’est donc une sorte un mécanisme de sabordage, qui se déclenche ponctuellement au moment où je fais ce que je dois vraiment faire, que je construis quelque chose. Ça m’amène à ne pas briller, à ne pas y arriver. Une sorte de technique pour casser mes capacités et mon énergie. A y réfléchir je me suis souvent sabordée, lors d’audition pour un emploi par exemple.
C’est peut-être lié à ma vision que, si on est trop brillant, on ne se fait pas des amis. Pourtant j’ai des amis, c’est d’ailleurs ce dont je suis le plus contente dans ma vie. Mais il y a toujours un doute qui reste prêt à m’assaillir.

Je ne dessine presque plus depuis que j’ai appris ma douance. Ces dessins sont comme des outils que je m’étais donné et que je n’ai jamais réussi à lire. Avant, quand je revenais des séances de dessin, je les affichais, j’en tapissais mes murs. Je les décrochais quand le dessin arrêtait de me parler. Finalement je me suis parlé pendant des années sans jamais entendre ce que je me disais. Il y a quelques mois, au printemps, j’ai tout enlevé. J’en avais assez de cette auto agressivité.
Je connais, depuis déjà quelques années, les mêmes périodes d’hyperphagie… Et sur les mêmes aliments, en sus !
En revanche, je finis par me demander s’il n’y a pas une forme de récompense immédiate, récompense qui nous semble si souvent interdite au quotidien. Ou quand la récompense immédiate vient saborder la possibilité de bonheur à long terme…
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Je connais aussi : gâteaux, et surtout chocolat noir avec 15 tablettes par semaine, et des portions pour 2 ou 3 lors des déjeuners et dîners.
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Moi aussi je suis passée par une phase de boulimie qui a duré environ 6 ans. C’était pendant mes études. Manger calmait mes angoisses de l’avenir, en concentrant mon énergie dans mon ventre, non ma tête. Ces questions me taraudaient : Est ce que je suis sur la bonne voie? Est ce que je vais réussir? Je voulais combler ce grand vide a l’intérieur de moi. Maintenant je me considère comme guérie. Le déclic est venu quand j’ai appris la patience et la tolérance envers moi-même. Arrêter de vouloir être parfaite et parfaitement a sa place. On a toute la vie pour se découvrir et faire de beaux projets qui nous correspondent ! En attendant le temps passe et il faut en profiter.
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Effectivement, il m’arrive de finir ma boite de petits beurres en une soirée, ou alors de vider mes sachets de gruyère rapé, car je n’ai pas d’autre fromage sous la main… en le regrettant après !
Et sinon, je me pose sans arrêt des questions, car je me trouve moyen en tout… je m’interesse à beaucoup de domaines artistiques (en les pratiquant), la photo, la peinture, la musique, la danse, etc, mais parfois je me dis que je ferais mieux d’arrêter car je ne me trouve pas assez bon dans chaque domaine. Est ce que je dois choisir une seule voie ? je n’y arrive pas. Du mal à trouver ma place, d’ailleurs je ne la trouve pas, et à me sentir à l’aise au milieu des autres, alors je me refugie avec mes animaux ….un peu perdu. Peut-être je me pose trop de questions, peut-être je suis trop exigeant avec moi-même, mais je ne sais pas être autrement.
Je vais continuer à lire ce blog, j’y trouverais peut être quelques réponses…
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Sous d’autres formes que l’hyperphagie, je connais très bien ce « mécanisme de sabordage, qui se déclenche ponctuellement au moment où je fais ce que je dois vraiment faire, que je construis quelque chose. » Et les mots qui suivent, ne pas briller, ne pas y arriver, casser son énergie…c’est exactement ça. C’est intérieurement une sorte de force qui me tire en bas, moi qui suis capable de beaucoup quand tout va bien…et (presque) sans effort. Paradoxe étonnant et subi…
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je suis en plein sabordage , je resiste par étatpe mais ça reviens que faire ?
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Merci à tous pour vos témoignages. J’ai parfois l’impression d’être le seul à ressentir et vivre ça. C’est tellement difficile à expliquer et à confier au autres. Je passe par des phases d’hyperphagie moi aussi, et ça s’arrête rarement avant que le frigo soit vide. C’est quand même un truc hyper bizarre.
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