(Suite et fin du témoignage d’Adèle, 40 ans)
Quels conseils donnerais-tu à des personnes qui se découvrent surdouées et qui lisent ton témoignage ?
Prenez le temps, des mois et des mois, pour remettre les choses à leur place. N’attendez pas que tout se résolve comme ça en une seconde. Apprenez tranquillement à vous connaitre, à vous découvrir, à découvrir vos compétences encore inconnues, à faire confiance à votre jugement, à votre ressenti. Faites aussi des rencontres d’autres zèbres, ça aide.
Comprenez que le monde est plein de paradoxes, de dualité, de vrai et faux en même temps et que malgré ça, le monde n’est pas incohérent. Regardez ma main : pour moi elle a des ongles, pour vous non, ces deux vérités existent !
Ce n’est pas parce que l’on est, et que l’on est le contraire que ça rend notre vie incohérente. Cela laisse une place au contraire à la multiplicité, à la complexité. Cela permet d’être une chose et son opposé sans se poser trop de questions.
Ensuite – attention, je vais dire quelque chose de politiquement incorrect – il est mal vu de parler d’intelligence supérieure, mais bien vu de parler de déficience mentale et de la place que l’on doit lui aménager dans la société. Pourquoi au contraire ne pas se dire que les personnes mieux outillées cérébralement, en surefficience mentale, peuvent avoir un rôle à jouer, par exemple de recalage en cas de dérive de la société ? Prenons donc nos responsabilités : apprenons à gérer nos particularités, arrêtons de dénoncer la bêtise des autres tout en jouant à l’humilité feinte, en tenant un rôle social « moyen », en faisant semblant dès le départ. Les surdoués pourraient se tirer vers le haut et tirer les autres vers le haut. L’exigence n’est pas forcément de la maltraitance, cela peut faire progresser tout le monde, cela peut être bien utile.
Enfin, je considère que ce que je fais pour les autres, je ne suis pas forcément capable de le faire pour moi. J’ai compris maintenant que j’ai besoin que les autres soient nourris pour qu’ils puissent – eux – me nourrir. Je m’engage donc et je m’implique, car je sais que je ne peux pas me nourrir moi-même : j’ai besoin de donner de l’énergie aux autres pour en recevoir en retour. Comme une circulation d’énergie, ça ne marche pas en circuit fermé, j’ai besoin de créer de l’énergie vitale avec les autres. Par exemple j’ai monté avec quelques amis un groupe de « coaching » professionnel mutuel. Ça a l’air ridicule, alors qu’en fait ça crève les yeux : on a besoin de faire des choses les uns pour les autres. Et c’est si simple de faire pour les autres et de se faire aider en retour, plutôt que de vivre chacun pour soi !
Concernant les non-surdoués, c’est difficile à dire. Ce serait probablement bien qu’ils nous fassent confiance, lorsqu’on évoque que le monde est plus vaste dans l’infiniment grand, l’infiniment petit, l’existentiel. On a conscience seulement d’une toute petite partie de ce qu’est l’univers et il y a beaucoup de latitude pour remettre en question les fonctionnements de notre société. Ce serait donc super que les non-surdoués ne nous contredisent pas tout le temps et qu’ils essaient d’autoriser notre façon de penser et de vivre, voire de s’y ouvrir. Mais si cette vision fait partie de nos particularités, alors ça n’a pas de sens de demander aux autres de l’acquérir… Ils sont comme ils sont, et nous comme nous sommes… Enfin peut-être que si, je ne sais pas…
Dernière chose : les livres, les forums, c’est bien pour débarquer dans le monde de la douance et commencer un cheminement. Mais pour vivre avec les problématiques profondes que ça engendre, il n’y a que nous et nos potes… On est les seuls à pouvoir faire quelque chose pour nous-même.
Ma touche d’espoir, c’est qu’en s’autorisant ainsi à suivre ses propres logiques, en se comprenant de mieux en mieux, tout prend du sens, on peut avancer et arriver à des vrais résultats. Les limites que donnent les gens autour de nous ne sont plus importantes. Aujourd’hui, après tout mon parcours, j’ai le sentiment d’aimer les gens de plus en plus, pour ce qu’ils sont. Et de m’aimer de plus en plus moi aussi. J’ai moins de rancœur et de colère, j’ai moins besoin de combat pour défendre mes idées. J’ai plutôt la vision qu’on a chacun une place et je pressens que j’en ai une dans la société. (Il reste du chemin, hein, je vous rassure !). A suivre !
Merci Adèle pour ton témoignage. Je me suis reconnue dans beaucoup de choses même si je suis à 1000 lieues de tout ce que tu as fait. J’ai toujours su au fond de moi qu’il y aurait une porte de sortie à un moment, que je finirais par trouver ma place. Aujourd’hui souvent j’en doute, alors un témoignage comme le tien me permet de rallumer un peu la flamme.
Bonne route.
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« J’ai plutôt la vision qu’on a chacun une place et je pressens que j’en ai une dans la société ».
C’est une impression qui m’habite aussi, comme si je savais qu’un destin existe pour moi. Au fond de moi, j’ai l’intime conviction d’avoir quelque chose à réaliser. La vision est floue, complexe. Il ne s’agit pas d’une vocation, ou de la conviction que je serai un jour quelqu’un d’important, mais vraiment de la notion de « réalisation » de soi.
Cependant, ce sentiment est tellement diffus que j’ai parfois l’impression de chercher ma voie dans le vide.
Difficile de savoir si c’est lié au fait d’être surdoué ou juste une illusion…
En tout cas, merci pour ce témoignage.
Laure
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Merci Adèle.
Je ne suis ni zèbre ni quoi que ce soit d’autre qu’un simple humain.
Mais, je pense, que si les zèbres voulaient que leurs particularités servent, ils devraient commencer par:
1. analyser le fonctionnement du monde (histoire de chaque pays/groupes de personnes, évolutions techniques/sociales humaine, systèmes politiques, entrepreneuriats, lois, justice, etc…),
2. modéliser les mécanismes des crises majeures de l’humanité (en partant du global pour arriver à l’ultra-local; c’est à dire trouver des solutions pratiques et pragmatiques à des problèmes de la commune, du quartier, de l’arrondissement, etc…)
3. trouver les dysfonctionnements
4. proposer des solutions
5. constituer un collectif citoyen dont l’action sera de faire du lobbying auprès des décideurs (chambres de commerces, mairies, collectivités territoriales, syndicats, « clubs & loges », etc…).
Les actions de communications pourraient prendre diverses formes, telles que romans/ouvrages/pièces de théâtres traitant de ces thèmes et induisant des suggestions de solutions.
6. si un nouveau modèle économique est trouvé, élaborer des stratégies pour lancer des entreprises l’implémentant et rendant l’ancien système obsolète.
7. Évidemment mettre l’intérêt général et les philosophies humanistes au coeur des réflexions.
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Bonjour Personne, commentaire intéressant, qui m’amène juste à me demander …. et si c’était déjà exactement le cas ? Bien sûr, chacun interprète ce qui est – pour lui – de l’ordre du dysfonctionnement. Avec toute les difficultés que cela représente, une myriade de personnes le font, dans ou hors du courant principal de la société, qu’ils soient intégrés ou en marge, discrets ou exubérants, artistes ou pas, en entreprises ou think tank ou ONG ou autre, et même collectif citoyens… cela existe, entre Nuit debout, Colibri et Bleu-Blanc-Zèbre, qui ne sont que trois petits exemples (non revendiqués surdoués, ni liés à ça d’ailleurs). Peut-être faut-il accepter que les zèbres ne sont pas une entité, mais des centaines de milliers de personnes, toutes différentes, avec chacune leurs combats (quand elles en ont) ?
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Merci Antoine.
Je pense que ton éclaircissement va dans la logique que j’ai tenté de développer.
En fait, j’ai essayé (maladroitement) de faire en sorte qu’il soit possible de lire mon commentaire un peu comme on épluche un oignon (et surtout qu’il soit dans la ligne directrice de ce qu’il me semble avoir compris du fond et de la forme du texte d’Adèle…)
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Merci Adèle pour ton récit de vie
Je viens d’être diagnostiqué haut potentiel à 38 ans, et ton témoignage me fait le plus grand bien
J’ai reconnu la première image avec les rails du tramway, j’habite à coté!
J’aime bien aussi tes dessins, dommage que tu aies arrêté …
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