(Suite du témoignage de Bruno, 58 ans)
Finalement l’adoption à joué un rôle d’écran de fumée : mes parents ont pensé que j’étais perturbé à cause de ça, et ça expliquait le fait que je ne fasse rien à l’école. Les enfants adoptés sont plus fragiles que les autres : très tôt, j’ai donc fait le défilé des praticiens. On m’a dit rapidement que j’étais très intelligent, non pas pour me l’expliquer ni pour m’aider, mais pour me le reprocher : “Bruno, tu ne fais rien à l’école, tu agaces tout le monde et en plus tu es intelligent. Tu te moques de qui ?”. Il y avait une incompétence généralisée à l’époque, et tous ceux qui m’ont “maltraité” de façon bienveillante en essayant de me cadrer, étaient à côté de la plaque ; ma mère, désespérée, tentait juste de m’aider et de me gérer.
Jusqu’à la découverte de ma zébritude, j’étais un petit canard noir qui attendait, et espérait inconsciemment que les autres soient bienveillants et m’acceptent comme j’étais. Canard, zèbre ou adopté ou juste atypique, comme si j’étais handicapé et que je voulais être reconnu comme tel, avoir une case où me ranger à l’abri des tensions et des tourments de la relation au monde. En même temps, j’ai fini par briller dans mes études et le démarrage de ma vie professionnelle a été fulgurant, mais cela ne m’impressionnait pas du tout, je gardais le manque de confiance en soi, chevillé au corps …
Vers la quarantaine, un de mes copains m’a demandé pourquoi je ne parlais jamais de mon adoption. Je lui ai répondu spontanément quelque chose du genre : “Pour moi il n’y a aucun problème, aucun doute, je vis très bien ma situation, mes parents sont mes parents, en fait c’est plutôt une force, une expérience de vie différente”. Mais cette réponse péremptoire à une question anodine a déclenché en moi un malaise qui a duré des années. Ça m’a replongé dans une réalité qui n’allait pas du tout, d’isolement, de difficulté à vivre. Mon parcours était une cavalcade désespérée et douloureuse de recherches et de doutes. Cela a duré jusqu’à 52 ans, et la découverte de ma zébritude où j’ai pu commencer à rassembler les pièces éparpillés du puzzle de ma vie…
Zèbre et adopté… quand les lignes de vie se mélangent… Parcours similaire, auquel on peut rajouter parent manipulateur. Oups !
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