(Suite du témoignage de Delphine, 36 ans)
La conscience de la notion de « surdoué » ne m’est jamais apparue pour moi. Pourtant dans la famille, mon frère a été diagnostiqué par un psychologue assez jeune. Il a appris le japonais tout seul, à partir de la sixième : ça pour moi c’est un surdoué ! J’ai été au courant de sa situation mais c’est bien lui le surdoué, pas moi.
Moi depuis toujours, je sais ma différence, je me sens « vieille ». Mais je ne me suis jamais documentée sur la douance ou quoi, je ne me suis jamais sentie concernée.
Ma mère disait des gens qu’ils sont « branchés » ou non. Dans le sens : ils sont connectés, ils perçoivent l’infini, le global. Je trouve que c’est pas mal comme mot. Quand je rencontrais des gens, si je sentais une sorte de fibre, de sensibilité, ou d’intelligence, je disais « Ah oui lui, il est bien branché ». Ça voulait aussi dire qu’on s’entendait bien, que la communication était facile. On a donc une micro famille de dingues, « branchés », avec qui la communication est facile. Et puis ma mère était très ouverte, la maison était comme un lieu de passage d’artistes, d’amis.
En fait je vois bien les surdoués autour de moi, ceux qui correspondent à la définition que j’en ai : toucher un truc et absorber tout ce qu’il y a savoir, s’intéresser à un sujet et tout de suite en avoir une vision globale, creuser en une demi journée et devenir un spécialiste…
Dans mon cas, je ne suis pas dans l’intelligence au sens « intellect ». Je suis dans une intelligence plus émotionnelle, de compréhension de choses de l’ordre de l’invisible. Le mot intelligent est galvaudé, et je trouve qu’il empêche même de penser toutes les formes d’intelligence. Il considère surtout les matheux et les gens rationalistes à l’extrême. Moi, c’est sûr que je ne suis pas dans cette catégorie. Je me suis renseignée sur les types d’intelligence (voir la théorie de Gardner), et je me retrouve dans 3 autres de ces types, un petit cocktail personnel. C’est peut-être ce qui fait que je ne suis pas à l’aise avec le terme de surdoué pour ce qui me concerne, car ça ne me semble pas légitime.
Je vis bien ma particularité, mais je fais attention à la façon par laquelle je la présente. Je ne vois pas l’intérêt de l’afficher. Dans la relation qui s’établir avec quelqu’un, c’est quelque chose qui « est là », et qu’il n’est donc pas nécessaire de pointer.
Pour mon fils, il semble inévitable qu’il rencontre des enseignants qui ne le comprendront pas, mais je pense qu’on pourra réagir et faire au mieux avec mon conjoint. Il va falloir être vigilants, mais je pense qu’il saura le gérer en douceur à l’école.
Si je dois en parler, je dis que je suis hypersensible. C’est facile, car j’ai la caution artistique derrière. Pratique !
Et je n’ai aucun mal à l’assumer, ce côté hypersensible : quand tu es une nana, artiste, que ta mère est peintre, végétarienne, c’est simplement une évidence et pas du tout quelque chose d’original ! Pour les autres, je corresponds à un package potentiel d’hypie artiste barrée.
Merci pour ce témoignage enrichissant, enjoué et subtil, qui souligne la notion, somme toute assez récente, d’intelligences diverses. Et ce portrait au regard espiègle le conclut d’une manière réjouissante.
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