(Suite du témoignage de Philippe, 42 ans – Extrait 6/10)
J’ai continué à lire des livres. A ceux de Arielle Adda et Jeanne Siaud-Facchin se sont ajoutés ceux de Cécile Bost, de Monique de Kermadec et Fabrice Bak, dont j’ai particulièrement apprécié l’exhaustivité. J’ai picoré dans chacun de ces ouvrages, qui m’ont tous apporté des clés.
J’ai aussi rencontré le temps d’une unique séance un thérapeute spécialisé en précocité. La distance géographique m’empêchait d’envisager un suivi avec lui, mais je l’aurais volontiers envisagé à l’époque. Ce fut une séance de rencontre très forte où, tableau et stylo Velleda à la main, il me symbolisa le fonctionnement d’un zèbre : « Un groupe d’amis est témoin d’un accident de voiture. Les « normo-pensants » alertent les pompiers et le Samu. Les précoces font la même chose, mais ne peuvent s’empêcher de se sentir responsable de ce dont ils ont été témoins, alors qu’il n’en est rien ». Cette image reste encore très juste à mes yeux aujourd’hui. Avec le temps, je fais de plus en plus le distinguo entre mes ressentis et la factualité des évènements, pour ne plus me laisser envahir.
Je me suis aussi connecté à des forums, puis j’ai participé à quelques rencontres mensuelles d’une association de « zèbres » à Herblay. Il s’agissait d’une école spécialisée pour les enfants précoces, mais qui proposait aussi le soir des réunions pour adultes. C’était intéressant mais je n’ai pas voulu y rester, car j’avais la sensation que ça tournait en vase clos.
Dans cette période, j’ai eu progressivement une relecture différente des mes amitiés anciennes, ou des certains épisodes de ma vie. J’ai pu consulter également Monique de Kermadec, dont j’ai apprécié l’approche, que l’on retrouve aussi dans son livre. Elle amène à épanouir sa facette douée, sans trop jouer la carte du caméléon, et dans ce que l’on appelle aujourd’hui le « faux-self », dans lequel on peut se perdre.
Globalement, je me suis allégé.
Je l’ai évoqué avec des amis proches, avec ma sœur. Par chance, j’ai plutôt eu des bonnes réactions, des « ça ne m’étonne pas », ou des personnes qui m’ont annoncé avoir été testés aussi. Je me suis rendu compte progressivement que la plupart des mes amitiés de longues date étaient concernées par la douance. Si j’en parle, j’utilise le terme « zèbre », et j’explique que je suis très sensible et très émotif. La différence, c’est d’être une véritable éponge émotionnelle, bien plus que d’avoir un QI dit supérieur – ce qui ne me parle pas vraiment. La notion de cerveau droit me parle beaucoup aussi.
Une année ou deux après le test, je l’ai dit à mes parents. J’avais 39 ans.
Sur un terrain plus sentimental, ces découvertes m’ont ramené à un ex-compagnon, dont j’étais très amoureux et avec qui j’avais été très lié. Il s’est donné la mort il y a quelques années. Quelques temps après l’enterrement, en écoutant sa sœur me parler de lui, j’ai eu l’intuition que le surdouement pouvait le concerner aussi. Quand je lui ai partagé mes observations et mes propres interrogations sur le sujet, je l’ai vue blêmir. Lors des obsèques, la première chose qu’elle lui avait dite sur sa tombe était : « Tu étais quelqu’un de très intelligent mais ça t’a bouffé la vie ». Comme elle, je me suis senti très mal après ça, avec les sentiments contradictoires de ne pas avoir tiré les bons fils et d’être passé à côté de certaines choses, tout en comprenant certains des liens qui avaient été les nôtres.
Il m’a fallu du temps pour faire émerger des envies d’évolution professionnelle, ça date de quelques mois seulement, donc plus de 4 ans après le test. Je voudrais reprendre des études en médiation culturelle. Mais dans l’éducation nationale, même si des passerelles sont évoquées, en-fait il n’y en a pas tant que ça ; c’est long et délicat de sortir des rails. Malgré tout je m’autorise à envisager ces perspectives plus épanouissantes et plus personnelles.
Aujourd’hui je suis plus serein. Plus en paix avec moi-même.
Quand je regarde mon fonctionnement et ce qui peut être lié à la surdouance, je pense à mon esprit de contradiction un peu mieux assumé, au fait de ressasser des idées parfois noires, de ne jamais lâcher prise et donc de ne pas être disponible quand je le voudrais… J’assume mieux d’avoir plusieurs centres d’intérêt – théâtre, musique, chant… – et de passer de l’un à l’autre sans forcément en aboutir aucun complètement.
Merci Philippe pour ton témoignage,
Je sais que l’on ne se connait pas et que la convention n’apprecie pas ce degré de franchise émotionnelle, mais je me permet quand même de le dire et j’espère que tu le prendra pas mal car ce n’est pas mon intention. Je n’ai aucune autre intention que de partager le reflet de toi que j’ai vu et ressenti. j’ai ressenti ta beauté à travers ton témoignage. Merci d’avoir accepté de te laisser photographier, j’ai vu ta photo et je t’ai vu avec un explosion de couleur, de beauté. tu est très beau! ton ame, ta gentillesse, ton innocence qui se ressent à travers tes mots mais tout aussi ton visage, le profond de ton regard.
je sais qu’il est bien difficile de laisser ce genre de commentaire s’infiltrer en nous, mais sache au moin qu’il est sincère.
je te souhaite bonheur et paix 🙂
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