(Suite du témoignage de Bruno, 58 ans)
J’ai connu un gros épisode dépressif il y a quelques années. L’élément déclencheur était professionnel. Mais la vraie raison de cette dépression qui couvait, c’est d’avoir passé 50 ans à bout de souffle. Depuis tout petit, lorsque je mordais mon oreiller, jusqu’à l’âge adulte, je gardais en moi une colère permanente. Ça m’a progressivement épuisé, puis tout s’est effondré. Plus tard, la crise de 2008 s’en est mêlée, j’ai dû licencier toute mon équipe. Et puis des maladies, des disparitions… J’ai glissé en quelques années dans un état que je n’ai pas vu venir. Le fond a été – à posteriori – terrible ; en réalité on ne voit rien venir et quand on est dedans on ne s’en rend pas compte. Je ne me rappelle de presque rien : même pas le silence, juste les bruits ouatés ; même pas de dégout, juste la survie ; même pas l’ennui, juste la solitude au milieu du monde. Mon cerveau devait faire en sorte de me replier sur moi-même, comme pour me protéger, me mettre à distance de ce qui est extérieur. Je donnais le change, mais je n’étais jamais là, j’oubliais tout, il n’y avait pratiquement jamais de suite aux choses. Ce qui est terrible, c’est que dans un tel épisode de vie, tous les “amis” partent en courant, sauf les vrais…
Le plus difficile a été de prendre conscience de ma fragilité et d’accepter d’être pris en charge ; j’ai fini par engager une démarche en TCC (thérapie comportementale et cognitive), et par ailleurs des médicaments m’ont été prescrits pendant presque un an. L’évolution n’est mesurable qu’à la surprise qu’on a, au fur et à mesure, à reprendre le goût aux choses. La ressource qui m’a été le plus utile a été de m’affirmer dans mon intimité, sur des valeurs profondes de piété et de charité. S’occuper des autres m’a sauvé ! Aujourd’hui, cet épisode est loin derrière moi. Disparu ! Maintenant, si je vais mal, c’est que je suis simplement débordé par mon émotion, ou par une accumulation de pression professionnelle. Je me rapproche alors de mes amis, de ma famille, et je parle.
» même pas de dégout, juste la survie ; même pas l’ennui, juste la solitude au milieu du monde. Mon cerveau devait faire en sorte de me replier sur moi-même, comme pour me protéger, me mettre à distance de ce qui est extérieur. Je donnais le change, mais je n’étais jamais là, j’oubliais tout, il n’y avait pratiquement jamais de suite aux choses. »
Je me reconnais, je suis dans cette phase… A bout de souffle, d’énergie, et je ne sais pas comment m’en sortir. Je me suis même demandé si « la douance ne m’avait pas quittée »…
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Courage Jerome !
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