(Suite du témoignage de Delphine, 36 ans)
A l’école, j’étais bonne élève, je ne travaillais pas vraiment mais je faisais en sorte qu’on me fiche la paix. J’étais très attentive, je ne mettais pas le bazar, je n’avais pas grand monde avec qui bavarder de toute façon. J’ai mis très longtemps à avoir des amis. À part une bonne copine, je m’entendais mieux avec les adultes. Pourtant je me me méfiais des professeurs, car je percevais qu’ils n’étaient pas forcément bienveillants. Plusieurs fois en primaire, j’ai subis des réactions agressives d’enseignants suite à ma participation. Alors, sans que ce soit vraiment un problème, je décidais de faire le service minimum à l’école.
Mais je n’avais pas que l’école pour apprendre, car ma mère étant artiste et peintre, j’ai eu très tôt la possibilité d’un enseignement artistique complet : musique, chant, théâtre, danse, sculpture…
J’ai eu aussi le bonheur de grandir à la campagne : je me baladais dans tout l’espace environnant, j’étais copine avec un arbre, la mare, un tertre, une pierre levée… Je me sentais animiste, je discutais avec les arbres, et ça m’apaisait. Depuis toute petite je me demandais pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien. J’étais fascinée par ça. La photosynthèse ok, mais pourquoi ça décide de pousser plutôt que de mourir ? Vivre dans la nature me rassurait, car je voyais bien que la vie allait se nicher dans des endroits improbables, et que justement, tout décidait de pousser. Ça met de la beauté là où on ne l’attendait pas.
C’est surement ça qui m’a attiré plus tard dans la photographie, c’est cette façon de voir la beauté là où on ne l’attend pas, de la voir jaillir.
Comprendre ce qu’est la vie, et pourquoi il y a la vie, me semble être la chose la plus importante.
Mais un jour on coupa les arbres autour de mon village. Une vente de bois. Je me mis alors dans la pire colère de mon existence, je devais avoir 13 ans. J’étais à la fois terrifiée et hors de moi, je me souviens d’avoir pleuré et hurlé. Je voulais tuer ceux qui avaient causé la coupe, et mettre le feu à leur maison. J’ai mis près de trois ans à m’en remettre. Un chagrin d’enfant total, je pleurais chaque jour en passant devant les souches.
Comme cette souffrance persistait, ma mère m’emmena voir un guérisseur. Qui, en une petite phrase, leva un de mes verrous : « Ils ne sont pas sages les grands ». Je pris conscience que c’est ça qui me faisait souffrir depuis toujours. Je commençai alors à accepter ce constat. Et ça me rassura de rencontrer un adulte qui me comprennent vraiment, car je me rendis compte que je pourrai un jour sortir de ma cellule familiale.
Très beau témoignage.
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Fantastique ! Merci mille fois, cela me permet de comprendre mieux ma fille et moi-même !
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Je vous embrasse! Je ne sais quoi dire d’autre… Je me sens proche de vous.
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